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Au coeur du Haut Atlas, après la dernière piste, c’est 3 jours d’un cheminement en autonomie et heureux du sud vers le nord.
C’est aussi 3 nuits. Transpercées par le vent, en appelant de toute ma chaleur une météo plus douce pour le lendemain.
C’est l’émerveillement du bain de milliards d’étoiles et de l’eau qui gèle instantanément sous le soleil.
C’est la vivacité du cosmos et la vitalité du raisin sec.
80 000 pas pour m’élever 2400 fois plus haut que moi-même avant de seulement redescendre.
Ça fait beaucoup de pas grand chose.
Gravité et allégresse bien au delà des derniers oueds, après que l’animal puis le végétal aient désertés pour l’hiver ou pour l’oxygène.
Je suis une poussière vive, immensément petite, en mouvement sur les cailloux et dans le ciel.
Ici l’air absolu enveloppe autant qu’il écorche, la trace est là, tout est parfait et rassemblé.
Je me laisse avec joie appartenir à ce dessin sans fin, associé à la ligne patiente dans le lointain et l’instant de tous les reliefs qu’elle emprunte.
On bavarde en silence. On se regarde. On s’anime mutuellement et bien qu’elle aille en permanence dans le sens inverse de mon chemin, on se pousse pour se retrouver à chaque pas.
Je chéris cette géométrie irréfutable.
Parce que vernaculaire elle est universelle, et tous ses détours sont directs.
Elle m’assure dans un rire énorme de toute l’illusion qui drape l’idée d’une suprématie de notre histoire ou n’importe lesquels de nos prétendus pouvoirs.
Master(s) de rien du tout.
Sur le chemin, la lumière, le souffle et les pas éventrent l’arrogance obèse de toutes ces cultures et ces sciences qui ne sont plus au service que du profit et d’elles mêmes.
Quel constat réjouissant aux pieds du ciel.
Et puis quelques raisins plus tard, je suis plus bas dans une vallée avec la neige de la nuit passée, plus de vivres dans le sac et bientôt au chaud.
Voilà. Une simple marche sur deux pattes donc, une répétition de ce qui caractérise peut être l’essentiel de notre espèce. C’est à la fois fragile, obstiné, sensible et efficace.
Pas debout, pas pensant, pas parlant, pas soignant, ni tout le reste.
Juste l’élan, l’équilibre, sa perte et sa reprise perpétuellement réitérés à la seule fin d’évoluer en petite bête binaire dans l’espace qui nous abrite. Pour moi il y a de l’art là.
Bisous
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